graffiti: mémoire en danger
21-06-2011
Karim Boukercha, auteur de livres sur le graffiti et scénariste, lance un appel pour la sauvegarde des books de plusieurs graffeurs interpellés en 2002 et qui attendent un jugement mardi 21 juin. Appel signé par les graffeurs Rap, Azyle, Vices, Comer, Jay, Reck, Fuzi, Bugz et par Costa-Gavras, Antonio SeguÃ, Virginie Despentes, Vincent Cassel, Oxmo Puccino, Maurice Olender...
Au début des années 2000, le commandant Merle, de la brigade des chemins de fer, lance de grandes enquêtes visant le milieu du graffiti «vandale»(trains, métros, voies de chemins de fer...). Investigations, recoupements d'informations, analyses de relais téléphoniques, écoutes et délations: en juin 2002, la brigade va démanteler une quinzaine de groupes très actifs (environ soixante personnes).
Surpris par les moyens déployés pour leur arrestation, la majorité des interpellés va reconnaître les faits, être déférée et mise en examen à l'issue de leur garde à vue. En raison de reports multiples et de l'engorgement des tribunaux, il faudra attendre juin 2009 pour que le tribunal de Versailles rende son jugement (au pénal). Le jugement du procès au civil sera rendu mardi 21 juin 2011. Les dommages et intérêts réclamés s'élèvent à 1,8 millions d'euros.
Pour les besoins de l'enquête, la police s'est emparée des books des graffeurs lors des perquisitions. On y trouve les dessins, les esquisses et les photos de leurs oeuvres, constituant ainsi l'unique trace de leur parcours; la seule mémoire de leur art par nature éphémère.
Ces documents aujourd'hui sous scellés pour les besoins du procès risquent de ne jamais être restitués à leurs auteurs (une demande en ce sens a déjà été rejetée). Pire encore, ces archives pourraient être détruites.
Si nul ne conteste la légitimité du procès en cours -le graffiti est un acte illégal donc soumis à la loi-, il est important que la mémoire de ce mouvement ne soit pas reléguée aux oubliettes de l'histoire artistique. C'est pourquoi ces documents devraient être placés aux Archives nationales afin que les traces uniques et indispensables d'un courant artistique vieux de 30 ans ne soient pas définitivement perdues ou confisquées, et de ce fait effacées de l'histoire culturelle française.
Quelle que soit l'issue des procédures judiciaires en cours, et quoiqu'ils pensent de cette pratique artistique dans sa forme illégale, les signataires appellent à une mobilisation pour la sauvegarde et la conservation de ces archives essentielles à la compréhension de l'histoire d'un mouvement artistique présent dans les musées, et l'histoire des transports en communs français.
(1) Dernier ouvrage publié: Descente interdite, Karim Boukercha (en collaboration avec Gautier Bischoff), Editions Alternatives.
Le livre descente interdite disponible ici:
www.maquis-art.com/shop/1-686-13-Descente-interdite-Graffiti-Maquis-Art.com.html
Premiers signataires:
Azyle, tagueur; Babou, graffeur; JD Beauvallet, journaliste; Geneviève Brisac, écrivaine; Bugz, graffeur; Olivier Cachin, journaliste, écrivain; Vincent Cassel, acteur et producteur; Comer, graffeur; Costa-Gavras, réalisateur; Decap, graffeur; Virginie Despentes, auteure et réalisatrice; Fuzi, graffeur; Romain Gavras, réalisateur; Jay, graffeur; Gregory Protche, journaliste; Pseye, graffeur; Oxmo Puccino, rappeur; Rap, graffeur; Reck, graffeur; Sano, graffeur; Antonio SeguÃ, peintre; Gilles-Marie Tiné, producteur; Maurice Olender, historien (ehess) et éditeur (Seuil); OMT&TER, graffeurs; Orelsan, rappeur; Vices, graffeur, Rebecca Zlotowski, scénariste et réalisatrice.
Pour signer la pétition clikez ici:
blogs.mediapart.fr/edition/paris-sous-les-bombes/article/200611/graffiti-une-memoire-en-danger